CHAPITRE ONZE

C’était une somptueuse salle à manger de première classe, déjà bondée de messieurs distingués, en chemise blanche et tenue de soirée, et de dames en robes à décolleté. Quand Julie entra et voulut s’asseoir, Alex se leva pour l’y aider. Henry et Elliott, déjà installés de l’autre côté de la table, se levèrent également. Julie adressa un signe de tête à Elliott, mais fut bien incapable de regarder son cousin.

Elle se tourna vers Alex et plaça la main sur la sienne. Malheureusement, elle ne pouvait s’empêcher d’entendre Henry jacasser à l’oreille d’Elliott. Il parlait d’Alex, ce pauvre imbécile qui s’était révélé incapable d’interdire à Julie d’entreprendre ce voyage.

Alex avait les yeux rivés sur son assiette et paraissait complètement perdu. Le moment et l’endroit étaient-ils propices à l’aveu ? Julie sentait qu’elle devait faire preuve d’honnêteté dès le début ; sinon, les choses risqueraient d’empirer pour Alex, et elle devait veiller à ce qu’il n’en fût pas ainsi.

« Alex, dit-elle à voix basse, je resterai peut-être en Égypte. Je ne sais pas encore quels sont mes projets. Vous savez, mon chéri, je me dis parfois que vous méritez une compagne qui soit aussi bonne que vous. »

Il ne fut pas surpris par ces mots. Il prit seulement quelques secondes avant de répondre. « Comment pourrais-je vouloir meilleure amie que vous ? Je vous suivrais dans les jungles du Soudan si c’était là le but de votre voyage.

— Vous ne savez pas ce que vous dites. »

Il se pencha vers elle et sa voix se changea en un murmure des plus intimes. « Je vous aime, Julie, et vous m’êtes plus précieuse que tout ce que je possède. Je me battrai pour vous, Julie, c’est là ce que vous attendez de moi. »

Que pouvait-elle lui rétorquer qui ne le blessât pas ? Brusquement, il leva les yeux. Ramsès et Samir étaient là.

Julie en resta bouche bée. Ramsès resplendissait dans la chemise blanche de son père et son habit sombre. Quand il prit un siège, chacun de ses gestes parut plus noble et plus gracieux que tous ceux des Anglais qui l’entouraient. Il respirait la vigueur et le bien-être. Son sourire était positivement radieux.

Il découvrit alors les épaules dénudées et le décolleté plongeant de Julie. Il était fasciné. Alex s’en aperçut et prit un air outragé. Samir, qui s’était assis à la droite du comte, était en alerte.

Elle devait faire quelque chose. Sans la quitter du regard comme s’il n’avait jamais vu de femme avant elle, Ramsès s’installa à la gauche de Julie.

Elle s’empressa de lui déplier sa serviette tout en lui disant à voix basse : « Mettez ça sur vos genoux. Et arrêtez de me regarder comme ça. C’est une robe du soir, tout à fait convenable. » Puis, se tournant vers Samir : « Ah, Samir, je suis heureuse que vous puissiez faire ce voyage avec nous.

— Eh oui, nous voilà tous réunis, s’empressa de dire Elliott pour meubler le silence. Nous dînons tous ensemble ainsi que je l’avais prévu. N’est-ce pas formidable ? »

Julie se mit à rire. Elle était heureuse qu’Elliott fût venu, finalement. Il aplanirait les difficultés. Il faisait cela de manière instinctive, presque malgré lui. Le charme étonnant qui se dégageait de sa personne y était pour beaucoup.

Julie n’osait pas regarder Henry dans les yeux, mais elle sentait bien qu’il était terriblement mal à l’aise. Il était déjà en train de boire. Son verre était rempli.

Les serveurs apportèrent le sherry, puis le potage. Ramsès s’était emparé du pain. Il en avait arraché un gros morceau qu’il dévorait à belles dents.

« Dites-moi, monsieur Ramsey, l’interrogea Elliott, comment avez-vous trouvé Londres ? Votre séjour vous a-t-il satisfait ? Vous n’êtes pas resté longtemps avec nous. »

Pourquoi diable Ramsès souriait-il ?

« J’ai trouvé cette ville très impressionnante, dit-il avec un enthousiasme immédiat. Un curieux mélange de richesses insolentes et d’inextricable pauvreté. Je ne comprends pas comment tant de machines peuvent produire tant de choses pour si peu d’individus et si peu de choses pour un si grand nombre…

— Monsieur, vous remettez en cause toute la Révolution industrielle, dit Alex avec un rire nerveux qui témoignait de son malaise. Ne me dites pas que vous êtes marxiste. Il est plutôt rare que nous rencontrions des radicaux dans notre… notre cercle.

— Je ne suis pas marxiste, je suis égyptien, dit Ramsès.

— Certes, vous l’êtes, monsieur Ramsey, dit Elliott sur un ton apaisant. Nous savons bien que vous n’êtes pas marxiste. Quelle idée ridicule ! Vous connaissiez bien notre Lawrence au Caire ?

— Notre Lawrence. Je ne l’ai connu que brièvement. »

Ramsès regardait Henry. Julie prit une cuillerée de potage et lui donna un léger coup de coude afin de lui montrer comment manger convenablement. Mais il ne s’intéressait pas vraiment à elle. Il prit du pain, le trempa dans le potage et se mit à manger sans pouvoir détacher les yeux de Henry.

« La mort de Lawrence m’a causé un grand choc. Je suis sûr qu’il en a été de même pour vous tous, dit-il en trempant un autre morceau de pain. Un marxiste est une sorte de philosophe, n’est-ce pas ? Je me souviens d’un certain Karl Marx, j’ai découvert cette personne dans la bibliothèque de Lawrence. Un fou. »

Henry n’avait pas touché à son potage. Il but un peu de scotch et fit signe au serveur.

« Cela n’a aucune importance, dit vivement Julie.

— Oui, la mort de Lawrence nous a causé un très grand choc, dit sobrement Elliott. Je suis certain qu’il avait encore au moins dix ans devant lui, peut-être même vingt. »

Ramsès continuait de plonger d’énormes morceaux de pain dans le potage. Henry le regardait, horrifié, mais prenait bien garde de ne pas croiser son regard. Tout le monde était plus ou moins fasciné par l’attitude de Ramsès, qui acheva le pain et le potage avant d’engloutir son sherry et de s’essuyer les lèvres.

« Encore à manger, dit-il. Cela arrive ?

— Oui, lui dit Julie, mais ne te presse pas.

— Vous étiez l’ami intime de Lawrence ? demanda Ramsès à Elliott.

— Absolument.

— Oui, euh, s’il était là, parmi nous, il nous parlerait de sa chère momie, dit Alex avec un rire nerveux. En fait, pourquoi faites-vous ce voyage, Julie ? Pourquoi vous rendre en Égypte alors que la momie attend à Londres qu’on daigne l’examiner ? Je ne comprends pas très bien, vous savez…

— Cette collection a ouvert un certain nombre de domaines de recherche, dit Julie. Nous voulons aller à Alexandrie, puis au Caire, peut-être…

— Oui, bien sûr », dit Elliott. Il était évident qu’il voulait voir la réaction de Ramsès quand le serveur lui apporta le poisson, une tranche très fine accompagnée d’une délicate sauce à la crème. « Cléopâtre, reprit-il, votre mystérieux Ramsès II prétend l’avoir aimée et perdue. Cela s’est passé à Alexandrie, n’est-ce pas ? »

Julie n’avait pas vu venir le coup. Ramsès non plus. Très pâle subitement, il regardait fixement le comte.

« Eh bien, oui, c’est un aspect de la question, dit Julie. Mais nous nous rendrons également à Louxor et à Abou Simbel. J’espère que vous êtes tous en état de faire ce voyage difficile. Naturellement, si vous ne souhaitez pas poursuivre…

— Abou Simbel, dit Alex, c’est bien là que se dressent les statues colossales de Ramsès II ?

Ramsès coupa la tranche de poisson en deux et la mangea avec les doigts. Un étrange sourire était apparu sur les lèvres d’Elliott, mais Ramsès ne l’avait pas remarqué. Il s’intéressait à nouveau à Henry. Julie n’en pouvait plus.

« Tu sais, on trouve un peu partout des statues de Ramsès le Grand, dit Elliott en regardant Ramsès saucer avec du pain. Ramsès a laissé plus de monuments à lui-même que tous les autres pharaons.

— Ah oui, c’est celui-là, dit Alex. L’égocentrique. J’ai appris cela à l’école.

— L’égocentrique ! dit Ramsès en faisant la grimace. Du pain ! » lança-t-il au serveur. Puis, s’adressant à Alex : « Qu’est-ce qu’un égocentrique, je vous prie ?

— Aspirine, marxisme, égocentrisme, fit Elliott. Ces concepts vous sont inconnus, monsieur Ramsey ? »

Henry devenait vraiment agité. Il avait bu son deuxième verre de scotch et était maintenant affalé contre le dossier de sa chaise.

« Vous savez, dit allégrement Alex, ce type était un drôle de fanfaron. Il a construit un peu partout des monuments à sa propre gloire. Il se vantait sans arrêt de ses victoires, de ses femmes et de ses fils ! Quand on voit cette momie, on ne dirait pas !

— Mais de quoi parlez-vous ? dit Julie.

— Y a-t-il eu dans toute l’histoire un roi d’Égypte qui ait remporté autant de victoires, dit Ramsès avec chaleur, joui de tant de femmes et engendré autant de fils ? Vous comprendrez certainement qu’en érigeant de si nombreuses statues, le pharaon donnait à son peuple exactement ce qu’il attendait.

— Ah, voilà qui est nouveau ! » dit Alex d’un air sarcastique. Il posa ses couverts. « Vous n’allez tout de même pas nous dire que les esclaves aimaient être fouettés à mort et travailler sous un ciel de plomb pour ériger ces temples et ces statues colossales !

— Des esclaves fouettés à mort sous un soleil de plomb ? dit Ramsès. Mais que dites-vous là ? Cela n’existe pas ! » Il se tourna vers Julie.

« Alex, ce n’est qu’une théorie, dit-elle, nous ne savons pas exactement comment les monuments ont été construits…

— Moi, je le sais, fit Ramsès.

— À chacun sa théorie ! dit Julie en haussant le ton et en faisant discrètement signe à Ramsès.

— Mais enfin, reprit Alex, cet homme a fait construire d’un bout à l’autre de l’Égypte d’énormes statues le représentant. Vous n’allez tout de même pas me dire que les gens n’auraient pas été plus heureux à cultiver des…

— Vous êtes bien étrange, jeune homme ! dit Ramsès. Que savez-vous du peuple d’Égypte ? Des esclaves, vous parlez d’esclaves quand vos taudis sont pleins d’enfants qui meurent de faim. Le peuple voulait ces monuments. Il était fier de ses temples. Quand le Nil était en crue, il était impossible de travailler dans les champs, et les monuments sont devenus la passion de la nation. Les travaux forcés n’existaient pas, ils n’étaient pas nécessaires. Le pharaon était pareil à un dieu et il devait faire exactement ce que le peuple attendait de lui.

— Vous voyez les choses de manière un peu sentimentale », dit Elliott. Il était en réalité fasciné.

Henry était livide et ne bougeait plus sur sa chaise. Il n’avait pas touché à son nouveau verre de whisky.

« Pas le moins du monde, répliqua Ramsès. Le peuple d’Égypte était fier de Ramsès le Grand. Il a repoussé les ennemis ; il a défait les Hittites ; il a préservé la paix en Haute et Basse-Égypte tout au long des soixante-quatre années de son règne ! Quel autre pharaon a jamais offert pareille tranquillité au pays du grand fleuve ? Vous savez ce qui est arrivé par la suite, n’est-ce pas ?

— Reginald, dit Julie dans un souffle, est-ce que cela a tant d’importance ?

— Apparemment, cela en a pour l’ami de votre père, dit Elliott. Je soupçonne les anciens rois d’être de parfaits tyrans, d’avoir battu à mort leurs sujets s’ils ne travaillaient pas à ces absurdes monuments. Prenez les pyramides, par exemple. Comment ont-ils…

— Vous n’êtes pas si stupide, Lord Rutherford, dit Ramsès. Vous êtes… comment dit-on ?… taquin ? Les Anglais étaient-ils fouettés dans la rue quand ils construisaient St Paul’s ou l’abbaye de Westminster ? La Tour de Londres, est-ce là l’œuvre d’esclaves ?

— Nul ne connaît la réponse, dit humblement Samir. Peut-être devrions-nous essayer…

— Il y a bien du vrai dans ce que vous dites, l’interrompit Elliott. Mais, pour ce qui est du grand Ramsès, vous devez admettre que c’était un dirigeant faisant preuve d’un manque de modestie exceptionnel. La stèle qui vante ses exploits est risible.

— Monsieur… tenta de dire Samir.

— Ce n’est pas du tout cela, dit Ramsès. C’était le style de l’époque, la façon dont le peuple voulait que ses chefs se présentent. Ne comprenez-vous pas que le véritable maître était le peuple ? Pour que le peuple soit grand, son chef se devait d’être grand ! Le roi était l’esclave des hommes du peuple lorsque leurs souhaits, leurs besoins, leur bien-être étaient en jeu !

— Vous n’allez tout de même pas nous faire croire que Ramsès était un martyr ! » ricana Alex. Julie ne l’avait jamais vu aussi agressif.

« Peut-être un esprit moderne ne peut-il comprendre aisément un esprit ancien, concéda Elliott. Je me demande si le contraire est vrai. Si un homme de cette époque, ramené à la vie, pourrait saisir nos valeurs.

— Vous n’êtes pas si difficiles à comprendre, dit Ramsès. Vous avez appris à vous exprimer trop bien pour que quoi que ce soit demeure voilé ou mystérieux. Vos journaux et vos livres racontent tout. Cependant vous n’êtes pas différents de vos lointains ancêtres. Vous voulez l’amour, vous voulez le confort, vous voulez la justice. C’est ce que voulait aussi le paysan égyptien quand il partait cultiver son champ. C’est ce que veulent aussi les travailleurs de Londres. Et, comme toujours, les riches sont jaloux de ce qu’ils possèdent. L’avidité continue d’engendrer le crime. »

Il posa impitoyablement les yeux sur Henry. Julie implorait Samir du regard.

« Vous parlez de ce siècle comme si vous n’aviez rien à voir avec lui ! dit Alex.

— Ce que vous voulez nous faire comprendre, dit Elliott, c’est que nous ne sommes ni meilleurs ni pires que les anciens Égyptiens. »

Henry voulut prendre son verre et le renversa. Il se rabattit sur le vin. Son visage blafard était trempé de sueur. Sa lèvre inférieure tremblait.

« Non, ce n’est pas ce que je veux dire, dit Ramsès d’un air pensif. Vous êtes meilleurs. D’un millier de façons. Mais vous êtes toujours humains. Vous n’avez pas encore trouvé toutes les réponses. L’électricité, le téléphone, ce sont là des objets magiques. Mais les pauvres meurent de faim. Les hommes tuent pour avoir ce que leur refuse leur propre travail. Comment partager la magie, les richesses, les secrets, voilà bien le problème.

— Ah, je vous disais bien que c’était du marxisme, fit Alex. À Oxford, on nous a appris que Ramsès II était un tyran sanguinaire.

— Calme-toi, Alex », lui dit Elliott. Il s’adressa à Ramsès. « En quoi cela vous intéresse-t-il, ces questions d’avidité et de pouvoir ?

— Oxford ? Qu’est-ce qu’Oxford ? » demanda Ramsès en jetant un coup d’œil à Alex. Puis il se retourna brusquement vers Henry, qui sursauta. Il s’accrochait à la table comme s’il allait perdre l’équilibre. Pendant ce temps, les serveurs avaient desservi le poisson et déposaient sur la table le poulet rôti aux pommes de terre. Quelqu’un versa à boire à Henry. Il but sans attendre.

« Tu vas te rendre malade, lui dit Elliott.

— Eh, une minute, fit Alex. Vous n’avez jamais entendu parler d’Oxford ?

— Non, de quoi s’agit-il ?

— Oxford, égocentrisme, aspirine, marxisme, récita Elliott. Vous avez la tête dans les nuages, monsieur Ramsey.

— Oui, comme les statues colossales ! dit Ramsès avec un sourire.

— Il n’empêche que vous êtes marxiste, reprit Alex.

— Alex, monsieur Ramsey n’a rien d’un marxiste ! dit Julie, incapable de contenir sa colère. Et si ma mémoire est bonne, votre matière de prédilection à Oxford était le sport, n’est-ce pas ? Les courses de bateaux et le football ? Vous n’avez jamais étudié l’histoire de l’Égypte et le marxisme, me semble-t-il !

— Oui, ma chérie, je ne connais rien de l’ancienne Égypte, reconnut-il. Mais il y a ce poème, monsieur Ramsey, ce poème que Shelley a consacré à Ramsès le Grand. Vous le connaissez certainement. Voyons voir, un de mes maîtres me l’a fait apprendre par cœur…

— Nous devrions peut-être reparler du voyage, dit Samir. Il fera très chaud à Louxor. Peut-être souhaiterez-vous ne pas pousser plus loin que…

— Oui, et des raisons de ce voyage, dit Elliott. Vous désirez vérifier les déclarations de la momie ?

— Quelles déclarations ? fit Julie. Je ne vois pas de quoi…

— Vous savez bien, c’est vous-même qui m’en avez parlé. Il y a aussi le carnet de notes de votre père. La momie prétend qu’elle est immortelle et qu’elle a aimé Cléopâtre. »

Ramsès baissa les yeux vers son assiette. Adroitement, il s’empara d’un morceau de poulet et n’en fit que deux bouchées.

« Le musée devra examiner ces textes, dit Samir. Il est trop tôt pour tirer des conclusions.

— Le musée apprécie-t-il que vous ayez bouclé la collection dans votre demeure de Mayfair ? demanda Elliott.

— Franchement, dit Alex, toute cette histoire m’a paru des plus absurdes. Du romantisme échevelé, oui. Un être immortel, qui vit mille ans avant de tomber tragiquement amoureux de Cléopâtre. Cléopâtre !

— Je vous demande pardon », dit Ramsès. Il dévora le reste du poulet et s’essuya les doigts à sa serviette. « Dans votre célèbre Oxford, on vous a certainement appris des choses ignobles sur Cléopâtre. »

Alex rit de bon cœur.

« Il n’y a pas besoin d’aller à Oxford pour entendre des choses ignobles sur Cléopâtre. Chacun sait que c’était une catin, un panier percé, une tentatrice, une hystérique !

— Alex, je ne veux plus entendre ces enfantillages ! lui lança Julie.

— Vous avez des opinions sur beaucoup de choses, jeune homme, dit Ramsès en lui adressant un sourire glacé. Quelle est votre passion à présent ? Qu’est-ce qui vous intéresse ? »

Il y eut un instant de silence. Julie ne put s’empêcher de remarquer l’expression étrange qu’avait prise le visage d’Elliott.

« Eh bien, dit Alex, si vous étiez un immortel – un immortel qui a jadis été un grand roi – tomberiez-vous amoureux d’une femme comme Cléopâtre ?

— Répondez à la question, Alex, lui dit Julie. Quelle est votre passion ? Ce n’est ni l’histoire ni l’égyptologie ni même la politique. Qu’est-ce qui peut vous donner envie de vous lever le matin ? » Elle sentait le sang lui monter aux joues.

« Oui, je serais tombé amoureux de Cléopâtre, dit Ramsès. Elle aurait charmé un dieu. Lisez entre les lignes de votre Plutarque. La vérité y réside.

— Et quelle est la vérité ? s’enquit Elliott.

— Que c’était un esprit brillant. Son don pour les langues et l’art de gouverner défiait la raison. Les plus grands hommes de l’époque lui ont rendu hommage. Son âme était royale, au plein sens du mot. Pourquoi croyez-vous que votre William Shakespeare a écrit sur elle ? Pourquoi vos écoliers connaissent-ils son nom ?

— Oh, le droit divin, maintenant ! dit Alex. Vous étiez plus intéressant lorsque vous professiez la théorie marxiste.

— Et quelle est-elle, je vous prie ?

— Alex, dit sèchement Julie, vous ne reconnaîtriez pas un marxiste à deux pas !

— Vous devez comprendre, monseigneur, dit Samir. Nous autres, Égyptiens, prenons très au sérieux notre histoire. Cléopâtre était à tout point de vue une reine exceptionnelle.

— Voilà qui est bien dit, approuva Ramsès. Avec une Cléopâtre à sa tête, l’Égypte viendrait à bout de la puissance britannique. Elle chasserait vos soldats, soyez-en sûrs.

— Ah, un révolutionnaire à présent ! Et le canal de Suez ? Je suppose qu’elle dirait : « Non, merci, je n’en veux pas ». Car vous savez ce qu’est le canal de Suez, n’est-ce pas ? Eh bien, c’est le financement britannique qui a réalisé ce petit miracle, mon ami. J’espère que vous me comprenez.

— Mais oui, cette petite tranchée que vous avez creusée entre la mer Rouge et la Méditerranée. Avez-vous battu vos esclaves à mort pour qu’ils fassent les travaux ?

— Ah, touché, je dois le reconnaître. La vérité est que je n’en ai pas la moindre idée. » Alex reposa sa fourchette et se cala au dossier de sa chaise. Il sourit à Henry. « Ce dîner m’a littéralement épuisé. »

Henry avait le regard vitreux et paraissait ne plus rien comprendre.

« Dites-moi, monsieur Ramsey, lui demanda Elliott. Votre opinion personnelle, je vous prie. Cette momie est-elle vraiment celle de Ramsès le Grand ? Un immortel qui aurait vécu jusqu’à l’époque de Cléopâtre ? »

Alex rit doucement et parut consulter Henry.

« Et vous, Lord Rutherford, qu’en pensez-vous ? lui dit Ramsès. Vous avez lu les notes de votre ami Lawrence. Y a-t-il un être immortel dans le cercueil exposé dans la maison de Julie ?

— Non », répondit Elliott avec un sourire.

Julie osa un regard en direction de Samir.

« Bien sûr que non ! fit Alex. Et il serait temps qu’on le proclame. Quand on l’emmènera au musée pour l’analyser, on découvrira que ce n’était autre qu’un scribe à l’imagination débordante.

— Pardonnez-moi, dit Julie, mais je suis lasse de tout cela. Nous serons très bientôt en Égypte, parmi les momies et les monuments. Faut-il poursuivre ?

— Pardonnez-moi, ma chère, dit Elliott en prenant un petit morceau de poulet. J’ai beaucoup apprécié votre conversation, monsieur Ramsey. Je trouve absolument fascinant votre point de vue sur l’ancienne Égypte.

— Oh ? L’époque contemporaine me passionne vraiment, Lord Rutherford. Les Anglais tels que vous-même m’intriguent beaucoup. Et, comme vous le disiez, vous étiez un bon ami de Lawrence, n’est-ce pas ?

— Nous avions des divergences, Lawrence et moi, reconnut-il. Mais je peux dire que oui, nous étions de très bons amis. Et nous nous accordions sur une chose : nous espérions que nos enfants feraient très bientôt un beau mariage.

— Elliott, je vous en prie, dit Julie.

— Mais nous n’avons pas à discuter de cela, vous et moi. Il y a d’autres sujets que j’aimerais aborder avec vous. D’où vous venez, qui vous êtes vraiment. Toutes ces questions que je me pose à moi-même quand je me regarde dans le miroir. »

Ramsès rit, mais il était furieux, Julie s’en rendait bien compte.

« Vous trouverez probablement mes réponses brèves et décevantes. Quant au mariage de Julie avec votre fils, Lawrence pensait que cela ne regardait qu’elle. Attendez, comment avait-il dit cela ? » Il se tourna une fois de plus vers Henry. « L’anglais est plutôt nouveau pour moi, mais ma mémoire est infaillible. Ah oui. « Quant au mariage, il peut attendre. » Ce sont bien là ses paroles, n’est-ce pas, mon cher Henry ? »

Les lèvres de Henry remuèrent, mais elles n’émirent qu’un vague gémissement. Alex avait le visage rouge de colère. Julie se devait d’arrêter cela, mais comment ?

« Oui, il est certain que vous avez été très intime avec le père de Julie, dit Alex d’un air un peu triste. Plus même que nous ne le pensions. Y a-t-il autre chose que Lawrence vous aurait fait savoir avant de mourir ? »

Ce pauvre Alex !

« Oui », dit Ramsès. Julie lui prit la main et la serra très fort, mais il ne parut pas s’en rendre compte. « Il pensait que son neveu était un salopard. » Il posa les yeux sur Henry. « J’ai raison, n’est-ce pas ? » « Petit salopard ! » Ce sont bien là ses dernières paroles ? »

Henry se leva et sa chaise se renversa sur la moquette. Les yeux rivés sur Ramsès, la bouche ouverte, il balbutiait des paroles incohérentes.

« Monsieur Ramsey, vous exagérez ! s’écria Alex.

— Vraiment ? dit Ramsès.

— Henry, vous êtes ivre, mon vieux, dit Alex. Je vais vous raccompagner à votre cabine.

— N’en faites rien, je vous en prie », murmura Julie.

Elliott les observait. Difficilement, Henry quitta la table et se dirigea vers la porte du restaurant.

Alex ne pouvait détacher les yeux de son assiette. Il avait le visage empourpré.

« Monsieur Ramsey, je pense qu’il y a quelque chose que vous devriez comprendre, dit Alex.

— De quoi s’agit-il, jeune homme ?

— Le père de Julie avait son franc-parler, surtout avec ceux qu’il aimait. » Une idée lui traversa l’esprit. « Vous… vous n’étiez pas là quand il est mort, n’est-ce pas ? Je croyais que Henry était seul avec lui. »

Elliott demeura silencieux.

« Eh bien, j’ai l’impression que ce voyage va être fort instructif, dit platement Alex. Je dois avouer…

— Il va être exécrable, oui ! » Julie n’en pouvait plus. « Maintenant écoutez-moi. Vous tous. Je ne veux plus entendre parler de ce mariage ou de la mort de mon père ! » Elle se leva. « Pardonnez-moi, mais je vais vous laisser. Je serai dans ma cabine au cas où vous auriez besoin de moi. » Elle se tourna vers Ramsès. « On ne doit plus parler de tout cela, je pense que c’est clair ? »

Elle prit sa pochette et sortit lentement de la salle sans se préoccuper des regards posés sur elle.

« Oh, c’est épouvantable », entendit-elle Alex dire derrière elle. Puis il fut à ses côtés. « Je suis sincèrement désolé, ma chérie, croyez-moi. La conversation a pris un tour…

— Je veux retrouver ma cabine, je viens de le dire. » Et elle pressa le pas.

 

Un cauchemar. Tu vas te réveiller, tu vas te retrouver à Londres. Tout ira bien. Rien ne se sera produit. Tu as fait ce qu’il convenait de faire. Cette créature est un monstre qui doit être détruit.

Debout au bar, il attendait un verre de scotch qui paraissait ne devoir jamais arriver quand il leva les yeux et le vit – lui, cet être, cette créature qui n’était pas humaine –, debout dans l’encadrement de la porte.

Il émit une sorte de grognement et s’engagea dans le petit couloir moquetté qui conduisait au pont. Un claquement de porte derrière lui : la créature le suivait. Il fit volte-face, le visage fouetté par le vent, et faillit tomber sur les marches de l’escalier métallique. La créature n’était qu’à quelques mètres de lui, ses grands yeux bleus vitreux le fixaient intensément. Il monta les marches quatre à quatre et s’élança sur le pont désert.

Où allait-il ainsi ? Comment pourrait-il lui échapper ? Il poussa une porte et se retrouva dans une autre coursive. Des nombres qu’il ne reconnaissait pas sur les portes polies des cabines. Il regarda derrière lui : la créature était toujours là.

« Va au diable. » Sa voix n’était qu’un murmure. Il revint sur le pont. Le vent était si humide qu’on eût dit qu’il pleuvait. Il ne savait même pas où il allait. Il s’agrippa un instant au bastingage et contempla la mer grisâtre qui bouillonnait.

Non ! Écarte-toi du bastingage. Il courut jusqu’à ce qu’il trouvât une autre porte et s’y engouffrât. Il sentait une vibration juste derrière lui, il entendait la créature respirer. Son arme, où diable l’avait-il fourrée ?

Il fouilla dans sa poche. La créature avait abattu sur lui une main large et chaude. Le pistolet lui échappa et tomba à terre. En gémissant, il se plaqua au mur, mais l’autre le tenait par le col de sa veste. Le hublot de la porte laissait passer une affreuse lumière qui éclairait par instants le visage de la créature.

« Un pistolet, me semble-t-il, dit Ramsès. J’ai lu des choses à ce sujet alors que j’aurais dû m’intéresser à Oxford, à l’égocentrisme, à l’aspirine et au marxisme. Cela tire de petits projectiles de métal, suite à l’intense combustion qui se produit dans une chambre, non ? C’est très intéressant, mais cela ne sert pas à grand-chose quand on a affaire à moi. Si vous aviez tiré, des gens seraient venus et vous auraient demandé ce qui se passe.

— Je sais qui vous êtes ! Je sais d’où vous venez !

— Vraiment ? Dans ce cas, vous vous rendez compte que moi aussi je sais qui vous êtes. Et ce que vous avez fait ! Je n’hésiterais pas un seul instant à vous jeter dans les chaudières à charbon qui alimentent ce magnifique navire et nous emportent sur les eaux froides de l’Atlantique. »

Le corps de Henry se convulsait. Il luttait de tous ses muscles, mais ne parvenait pas à se débarrasser de la main qui lui broyait l’épaule.

« Écoute-moi, insensé que tu es. » La créature se rapprocha, il sentait son souffle lui caresser le visage. « Fais du mal à Julie et je te tue. Fais-la pleurer et je te tue ! Fais-la froncer les sourcils et je te tue ! Tu ne vis que pour le bien-être de l’âme de Julie. Cela s’arrête là. Et souviens-toi de mes paroles. »

La main le libéra. Il s’écroula à terre et serra les dents. Il ferma les yeux quand il se rendit compte que son caleçon était humide et sentit sa propre odeur. Ses intestins l’avaient trahi.

La créature le contemplait, à demi dissimulée dans l’ombre, puis elle rangea le pistolet dans sa poche et s’éloigna pour bientôt disparaître.

La nausée. Les ténèbres.

Quand il se réveilla, il était couché dans la coursive. Personne n’était passé par là, semblait-il. Tremblant, étourdi, il se remit sur pied et se dirigea vers sa cabine. Une fois là, il se rendit aux toilettes pour vomir. Ce n’est qu’après qu’il se débarrassa de ses vêtements souillés.

 

Elle était en train de pleurer quand il entra. Rita était partie dîner en compagnie des autres domestiques. Il ne prit même pas la peine de frapper. Il ouvrit la porte et se glissa dans la cabine. Elle ne le regarda pas. Elle tenait son mouchoir contre ses yeux, mais ses pleurs paraissaient ne pas vouloir s’arrêter.

« Je suis désolé, ma reine. Ma douce reine. Crois-moi, je suis sincèrement désolé. »

Elle découvrit la tristesse de son visage. Derrière lui, une lampe projetait sa lumière dorée dans sa chevelure brune.

« Ne parlons plus de tout cela, dit-elle d’un air désespéré. N’en parlons plus. Je sais ce qu’il a fait et cela m’est insupportable, mais n’en parlons plus. Je ne désire qu’une chose, que nous soyons ensemble en Égypte. »

Il s’assit sur la couchette à côté d’elle, la prit par la nuque et la fit tourner vers lui. Elle ne lui résista pas et s’abandonna complètement quand il l’embrassa et lui transmit sa formidable chaleur. Elle baisa son visage, ses joues, ses pommettes où la chair était si tendue, ses yeux clos enfin. Elle sentit les mains de Ramsès se refermer sur ses épaules et elle comprit qu’il faisait doucement glisser sa robe du soir, découvrant progressivement ses seins.

Elle s’écarta, honteuse. Elle l’avait poussé à cela, et elle ne le voulait pas.

« Non, je t’en prie », dit-elle tandis que les larmes coulaient à nouveau.

Sans le regarder, elle remonta ses manches de satin. Quand leurs regards se rencontrèrent enfin, elle ne lut que de la patience dans les yeux de Ramsès, et sur ses lèvres ce timide sourire qu’un peu de tristesse venait toutefois tempérer.

Il tendit la main vers elle et elle se raidit, mais il se contenta de lisser sa robe et de remettre de l’ordre dans son collier de perles. Puis il lui baisa le bout des doigts.

« Viens avec moi, dit-il doucement tout en lui embrassant l’épaule. Le vent est frais. On joue de la musique au salon. J’aimerais que nous dansions ensemble sur cette musique. Ah, ce palais flottant ! C’est un paradis. Viens avec moi, ma reine.

— Mais Alex… dit-elle. Si Alex…»

Il lui embrassa la gorge, puis encore une fois la main, dans la paume cette fois. Une douce chaleur l’envahit. Rester dans cette cabine serait de la folie, à moins, évidemment… Non, elle ne pouvait laisser les choses se dérouler ainsi, tant qu’elle ne le souhaiterait pas de toute son âme.

« Allons-y », dit-elle d’un air résigné.

Il l’aida à se lever. Il lui prit son mouchoir et lui essuya les yeux comme si elle n’était qu’une enfant. Il lui jeta enfin sur les épaules son étole de fourrure blanche.

Ils déambulèrent sur le pont éventé, pénétrèrent dans la coursive et enfin dans la grande salle de bal, au riche décor constitué de boiseries dorées et de panneaux de satin, de vitraux et de palmiers en pots.

Il gémit en découvrant l’orchestre. « Oooh, Julie, cette musique, murmura-t-il. Elle m’ensorcelle. »

C’était une valse de Strauss, là encore, mais, cette fois-ci, les musiciens étaient assez nombreux et le son plus puissant et plus riche.

Alex n’était pas en vue. Dieu merci. Elle se tourna vers Ramsès et le laissa lui prendre la main.

Il l’entraîna dans la valse, et plus rien n’eut d’importance. Il n’y avait plus d’Alex, plus de Henry, et son père n’avait pas connu une mort atroce qui méritât la vengeance.

 

Loin de là, tapi dans l’ombre profonde du bar, Elliott les regardait danser. Ils en étaient à leur troisième valse, et Julie riait tandis que Ramsès l’entraînait sur la piste sans se soucier des autres couples.

Personne ne semblait leur en vouloir. Chacun respecte les amoureux.

Elliott termina son whisky et se leva.

Une fois arrivé devant la porte de la cabine de Henry, il frappa et ouvrit. Henry était assis sur sa couchette. Enveloppé dans une robe de chambre verte, pieds et jambes nus, il tremblait comme s’il avait très froid.

Elliott s’étonna de sa propre colère. Sa voix lui parut rauque et peu familière.

« Qu’est-ce qu’a vu notre roi d’Égypte ? demanda-t-il. Qu’est-ce qui s’est passé dans ce tombeau quand Lawrence est mort ? »

Henry se tourna brusquement vers le mur comme pour lui échapper, mais Elliott l’obligea à le regarder dans les yeux.

« Regarde-moi, misérable lâche. Réponds à ma question. Qu’est-ce qui s’est passé dans le tombeau ?

— J’essayais d’obtenir ce que vous vouliez ! » gémit Henry. Il avait les yeux cernés et une trace sombre sur le cou. « Je… je m’efforçais de le persuader de conseiller à Julie d’épouser Alex.

— Ne me mens pas ! » dit Elliott. Sa main serra sa canne de marche, il paraissait prêt à s’en servir comme d’une cravache.

« Je ne sais pas ce qui s’est passé, gémit Henry. Ou ce qu’elle a vu ! La créature… elle était couchée dans son cercueil. Qu’est-ce qu’elle a pu voir ? Oncle Lawrence discutait avec moi. Il était bouleversé. La chaleur… Je ne sais pas ce qui est arrivé. Soudain il est tombé à terre. »

Il s’effondra, la tête dans les mains. « Je ne voulais pas lui faire de mal, sanglota-t-il. Oh ! mon Dieu, je ne voulais pas ! J’ai fait ce qu’il fallait, c’est tout. » Il avait les doigts crispés.

Elliott le regardait. S’il avait été son fils, la vie n’aurait eu aucun sens. Et si ce personnage misérable lui mentait… Mais il n’en savait rien. Il ne le saurait jamais.

« D’accord, fit Elliott. Tu m’as tout dit, au moins ?

— Oui ! Oh ! mon Dieu, il faut que je quitte ce navire !

— Cette créature, comme tu dis… pourquoi te méprise-t-elle ? Pourquoi a-t-elle essayé de te tuer ? Pourquoi veut-elle t’humilier ainsi ? »

Il y eut un instant de silence, rompu seulement par les sanglots nerveux de Henry. Puis il releva la tête. Ses yeux creux l’imploraient.

« Je l’ai vue revenir à la vie, dit Henry. Avec Julie, je suis le seul à savoir qui elle est vraiment. Elle veut me tuer ! » Il s’arrêta de parler comme s’il craignait de ne plus pouvoir se maîtriser. « Je vais te dire autre chose…» Il retomba sur la couchette. « Elle est d’une force surnaturelle, elle pourrait tuer quelqu’un à mains nues. Pourquoi elle m’a épargné la première fois qu’elle s’en est prise à moi, je l’ignore. Mais elle pourrait bien y arriver la prochaine fois. »

Le comte ne répondit pas. Il quitta la cabine et se rendit sur le pont. Le ciel était noir et les étoiles resplendissantes.

Il demeura longuement appuyé au bastingage, puis il alluma un petit cigare. Il lui fallait tirer les choses au clair.

Samir Ibrahaim savait que cette créature était immortelle. Il voyageait avec elle. Julie savait, elle aussi, et elle n’avait plus sa tête. Quant à lui-même, le mystère le fascinait à un point tel qu’il avait laissé entendre à Ramsey qu’il était également dans le secret.

Ramsey éprouvait de l’affection pour Samir Ibrahaim. Il éprouvait également quelque chose pour Julie Stratford, mais quoi au juste ? Mais envers lui ? Quel était son sentiment ? Avait-il pour lui le même mépris que pour Henry ?

Elliott ne pouvait qu’attendre. Et faire de son mieux pour protéger Alex, ce misérable Alex qui n’avait même pas réussi à dissimuler son ressentiment au cours du repas. Il allait devoir faire comprendre à son fils qu’il allait perdre son amour d’enfance, car il était plus qu’évident que c’était ainsi que les événements allaient tourner.

La vérité était toute simple : cette histoire le passionnait, elle le réjouissait. Il se sentait rajeunir, quelle que fût l’issue de cette aventure. Il ne s’était pas senti aussi bien depuis des années. Quand il passait en revue les souvenirs heureux de son existence, il ne voyait qu’une époque où le seul fait d’être en vie fût aussi fantastique. Il faisait ses études à Oxford. Il avait vingt ans. Il aimait Lawrence Stratford, et Lawrence Stratford l’aimait. Le souvenir de Lawrence balaya tout. Il saurait la vérité, quoi que cela dût lui coûter.

La Momie
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